Encore eux ?

Une branche se brisa sous le talon de l'Huppermage alors qu'elle franchissait un énième obstacle; encore un arbre qui avait du être couché par une tempête ou une expérimentation ratée; et elle poursuivit sa route sans y faire attention, ajustant sa capuche en tenant ses bords pour éviter qu'elle ne soit encore une fois renvoyée dans son dos par une bourrasque. Le vent soufflait fort, et une pluie mince mais froide tombait sur la forêt; l'amas d'arbres entrelacés qui constituait les murs et le toit du Refuge apparut soudainement au loin. Elle venait de traverser les runes qui dissimulait l'endroit aux yeux des inconnus, et elle laissa échapper un léger soupir de soulagement. Enfin., se dit-elle en poussant la porte d'une demeure à moitié enchâssée dans les arbres - l'on aurait pu croire à une habitation Sadida -, s'engageant à l'intérieur en retirant sa cape-manteau et en l'épinglant sur un portant.

- Ah, eh bien enfin !, s'exprima une autre femme qui attendait à l'intérieur,  assise à une table. Un grand chapeau pointu était enfoncé sur son crâne, et elle portait une tenue sombre dont la coupe évoquait celle des sorcières d'autrefois. Ses longs cheveux violet sombre étaient regroupés dans une énorme tresse qui reposait contre sa poitrine. Elle lisait. Quelles sont les nouvelles ?

Carah, qui venait tout juste d'arriver, prît le temps de se sécher un peu avec une serviette prévue à cet effet, se regardant rapidement dans le miroir pour remettre en place ses cheveux dont la blancheur était aussi immaculée que celle de ses vêtements.

- Je suis contente de te revoir aussi Lucaris, Asmodèle n'est pas rentrée ?

Un silence génant s'installa entre les deux Huppermages qui ne s'aimaient pas beaucoup - elles se ressemblaient sans doute trop pour ça -, et c'est finalement Luca qui le brisa en soupirant, relevant le nez de son ouvrage, en profitant pour examiner sa semblable d'un coup d'oeil bref et désinterêssé.

- Elle se repose, le Démon se nourrit toujours de son wakfu. Mais la distance a du encore se creuser, l'absorption est de plus en plus vive et ses visions n'ont plus le moindre sens.

Carah s'installa en face de son aînée et posa son  menton sur son poing, calant son coude sur la table. Un maigre sourire se manifesta sur ses lèvres alors qu'elle fixait Luca, la laissant l'interroger - elle était persuadée qu'elle finirait par le faire -. Et elle le fit.

- Bon, alors ? Qu'est ce que tu as trouvé ? lâcha-t'elle en fronçant les sourcils, agacée par la manière dont sa cadette se faisait désirer. Elles évitaient de se confronter quand Asmodèle était en leur compagnie, mais son absence signait le début des hostilités, et ni l'une ni l'autre ne souhaitait y mettre un terme.

- J'ai retrouvé la voleuse. Et je sais où elle se trouve; mais je ne suis pas intervenue...

- Ce n'est pas le courage qui t'étouffe, souffla Luca entre deux, lui assénant un sourire narquois.[/color]

- ...parce qu'elle a rejoint un groupe d'individus dangereux; très dangereux pour certains d'entre eux...

- Eeeet...? la coupa-t'elle à nouveau, étendant encore son sourire alors que le visage de Carah commençait à manifester des signes de colère.

- ...Et du peu que j'ai pu en apprendre, il s'agit d'un groupe composé d'une partie de tes anciens "amis" d'Astrub.

Cette ultime réplique fit naître sur les lèvres de la plus jeune des deux femmes un sourire presque pervers. Elle appréciait de voir Luca frappée par la surprise et la contrariété, et plus encore, elle savourait la perspective de pouvoir bientôt éprouver la fidélité de son aînée. Bien qu'elle eut été son professeur quelques années plus tôt, elle nourrissait pour elle une animosité qui lui venait de cette époque ci, où elle s'était rendue responsable de l'expérience qui avait coûtée à Carah de perdre la pigmentation de sa peau et de ses cheveux.  
De plus, elle même s'était ralliée à Asmodèle plusieurs années auparavant, et pourtant, cette dernière avait plus de considérations pour Luca qu'elle n'en avait pour elle. C'était frustrant.

- Encore eux... marmonna Luca, baissant légèrement la tête en joignant ses mains en un poing unique sur lequel elle laissa retomber son front, soupirant longuement.